L’éligibilité au CIR de l’entreprise
Les entreprises soumises à l’IS
L’éligibilité d’une entreprise au Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est régie par l’article 244 quater B du Code Général des Impôts (CGI). Cet article nous indique :
Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44sexies
sexies
septies
octies
octies
duodecies
terdecies
septdecies
Il est aisé d’évaluer l’éligibilité de l’entreprise à un dispositif de crédit d’impôt par son imposition.
Cependant est-il obligatoire que la société ait choisi le régime d’imposition de l’Impôt sur les Société (IS) ou le régime d’imposition de l’Impôt sur le Revenu (IR) est-il également admis?
Les entreprises soumises à l’IR
Dans son article 220 B, le CGI indique que le crédit d’impôt pour les dépenses de recherche défini par l’article 244 quater B est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise dans les conditions prévues à l’article 199 ter B. Ainsi, à priori il pourrait être considéré que ce crédit d’impôt soit réservé aux sociétés ayant choisi le régime de l’IS.
Toutefois, l’article 199 ter B apporte des précisions en indiquant que « Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle il a accru ses dépenses de recherche ».
Il est donc considéré qu’une entreprise à l’IS ou à l’IR peut bénéficier de ce dispositif. Cependant, y a-t-il des formes juridiques qui sont exclues ?
Les formes juridiques non-éligibles au CIR
Pour répondre à cette question, il est à nouveau indispensable de se référer à la notion d’imposition au bénéfice réel introduite par l’article 244 quater B. En l’espèce, la grande majorité des sociétés sont compatibles avec ce crédit d’impôt, à partir du moment où elles sont soumises à l’IS ou à l’IR dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Il existe une exception pour les sociétés ayant pour activités le crédit-bail mobilier et la location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole au sens de l’article 63 du CGI.
Enfin, il convient de distinguer le régime spécial des bénéfices non commerciaux car l’article 44 duodecies cité dans l’article 244 quater B du CGI limite l’éligibilité aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés exerçant une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l’article 92 du CGI.
De fait, les Bénéfices Non Commerciaux (BNC) constituant l’une des catégories de revenus passibles de l’impôt sur le revenu, ne sont pas éligibles au dispositif du CIR.
Enfin, il faut savoir que même une association loi 1901 peut entrer dans le cadre de l’éligibilité au dispositif CIR. Pour ce faire, elle se doit de mener une activité lucrative, ce qui entraîne que l’association est assujettie à l’IS.
Ce crédit d’impôt est donc accessible à la très grande majorité des entreprises en France. Il n’existe d’ailleurs aucun fondement juridique qui permet d’exclure un type d’activité. Cependant, l’entreprise potentiellement éligible se doit d’offrir un contexte favorable à la mise en place d’un projet de R&D. Il a été constaté que certaines entreprises, n’ayant pas apporté un soin suffisamment important à la mise en place des indicateurs de l’orientation de la R&D et de l’innovation de l’entreprise, rencontraient plus de difficultés dans la justification de leurs dépenses de recherche.
En effet, que ce soit à travers la description de l’activité de la société (son code APE) ou encore par le rapport annuel d’activités et le compte rendu d’assemblée générale, l’entreprise doit constituer un faisceau d’indices suffisant à la démonstration de l’éligibilité de son entreprise au CIR.
L’éligibilité au Crédit d'Impôt Recherche 2022 du projet R&D
Une fois que l’on a vérifié l’éligibilité de l’entreprise, il faut maintenant réaliser une analyse approfondie de l’éligibilité du ou des projets réalisés. Le consultant doit réussir à faire adhérer l’équipe technique de l’entreprise cliente dans ce travail, sous peine d’échecs. L’évaluation de l’éligibilité d’un projet repose bien évidemment sur des aspects juridiques, mais il fait également intervenir des connaissances scientifiques très pointues.
CIR et définition d’un projet R&D
L’analyse de l’éligibilité projet doit débuter par une bonne compréhension de la définition d’un projet de R&D. Le Code Général des Impôts donne la définition suivante dans son article 49 septics F :
a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale qui concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ;
b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance.
c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté.
Cette définition permet de délimiter les types d’opérations de R&D qui sont considérées dans le dispositif. La distinction des trois types de R&D a été définie à l’aide du Manuel de Frascati. Publié par l'OCDE, le manuel de Frascati est une référence méthodologique internationale pour les études statistiques des activités de R&D. Il offre une standardisation de la façon dont les gouvernements recueillent l'information sur les investissements R&D. Ce manuel traite exclusivement de la mesure des ressources humaines et financières consacrées à la recherche et au développement expérimental. Le consultant pourra donc orienter son client vers ce manuel pour justifier la définition de l’activité de R&D.
Il est clair que ce dispositif ne se limite pas seulement aux recherches « éprouvettes » qui s’apparentent à la recherche fondamentale ou à la recherche appliquée. Dans l’esprit général, la recherche ne peut s’effectuer qu’en blouse blanche sur une paillasse de laboratoire.
Or, la place du développement expérimental est considérable dans les entreprises françaises. Ce développement expérimental est particulièrement nécessaire lorsque l’on envisage un transfert de technologie ou lorsque l’on cherche à industrialiser de nouveaux concepts. Lorsqu’une entreprise se retrouve face à la conception de prototypes ou une installation pilote, elle se trouve généralement dans une phase projet intégrant le développement expérimental.
Ensuite, une fois la définition d’activités de recherche bien appréhendée, il est nécessaire d’approfondir l’étude en réalisant l’analyse du périmètre éligible d’un projet. Pour ce faire, il est indispensable d’identifier cinq critères au sein du projet : trois critères de fond et deux critères de forme.
Critères de fond du crédit d'impôt recherche
Les critères de fond permettent d’identifier la notion de recherche et de rattacher l’opération à un type de R&D défini par l’article 49 septics F du CGI :
- Le caractère de nouveauté
- Les incertitudes scientifiques
- La transférabilité et la reproductibilité
#### Etat de l’art dans le cadre du Crédit d'Impôt Recherche
La notion fondamentale dans ces critères de fond est la notion d’état de l’art. Elle ne doit surtout pas être confondue avec l’état du marché car l’état de l’art ne s’intéresse qu’à des connaissances. Il s’agit plutôt d’un état de l’art comme on pourrait retrouver dans le dépôt et la défense des brevets.
Ces trois critères sont reliés par l’état de l’art et la démonstration de la présence de ces critères dans le projet ne peut se faire qu’à l’aide de ce dernier. Ainsi, son absence dans un projet doit être une première alerte pour le consultant et son client. Même si les collaborateurs de recherche ont fait l’effort de s’appuyer sur les connaissances disponibles, telles que des publications scientifiques, elles doivent agglomérer ces connaissances tout en mettant en avant les connaissances manquantes à la réussite du projet ou à l’atteinte de l’objectif. Par ailleurs, la distinction entre connaissances et compétences doit être faite. Rappelons que ce dispositif finance l’accroissement des connaissances en France et non pas les connaissances de la société.
Critères de forme du crédit d'impôt recherche
Une fois le fond technique des projets analysés, il convient de les rapprocher des deux critères de forme :
- Les ressources de R&D. Ce critère permet de mettre en avant l’ensemble des ressources mobilisées par l’entreprise pour réaliser les opérations de R&D. Les ressources intègrent bien évidemment les moyens matériels (dotations aux amortissements) et les moyens humains (chercheurs et techniciens).
- La démarche scientifique. La démarche scientifique est un critère qui permet d’identifier le processus de réalisation des travaux. Il est nécessaire de démontrer une nouvelle fois que les opérations n’ont pas été triviales et qu’elles ont nécessité une démarche qui peut être caractérisée comme itérative.
Ces deux critères de forme sont les plus faciles à identifier dans un projet. Elles doivent donc constituer l’élément de base dans l’exploration de la R&D de l’entreprise. Les compétences apportées à un projet, les moyens financiers et matériels et le chemin parcouru par les équipes dans la réalisation des travaux, donnent une première indication sur l’éligibilité du projet. L’état de l’art et la mise en avant des incertitudes scientifiques finissent l’analyse. Ces points seront bien sûr retrouvés dans le dossier crédit d'impôt recherche appuyant le projet R&D.
#### Distinction entre R&D et ingénierie
La principale difficulté à laquelle font face les personnes réalisant cette analyse, réside dans la distinction entre un travail d’ingénierie et un travail relevant des projets de recherche & développement au sens du crédit d'impôt recherche. Cette frontière étant très fine, le soin particulier porté à l’état de l’art et la mise en avant des manques au niveau des connaissances disponibles, est la clef pour bien classifier chaque projet et chaque étape du projet.
Nous avons à ce stade une forte conviction de l’éligibilité d’un projet au dispositif du CIR. Cependant, doivent-ils considérer l’ensemble du projet ou seulement le cœur R&D ?
Périmètre éligible au CIR au sein du projet
Cette question soulève à nouveau une problématique liée à la définition d’un projet. En effet, il n’est pas rare de constater une différence entre un terme usuel et un terme utilisé par les institutions. Si l’on considère qu’un projet est un projet de développement produit au sein de l’entreprise, alors le projet doit être décortiqué en étapes, afin d’identifier les parties éligibles au CIR.
Le travail réalisé par les pays de l’OCDE et l’interprétation du manuel de Frascati par l’administration fiscale et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESRI), ont permis d’introduire la notion d’opération de R&D. Une opération de R&D s’insère souvent dans le cadre d’un projet de l’entreprise, qu’il soit commercial ou industriel. L’opération de R&D ne correspond pas en général à un projet de l’entreprise dans son ensemble, et inversement un projet mené par une entreprise peut intégrer plusieurs opérations de R&D répondant à autant de difficultés non résolues par l’état des connaissances.
Une opération de R&D peut être aussi commune à plusieurs projets de l’entreprise. Chaque opération de R&D vise à répondre à une question scientifique et technique et cherche à lever une difficulté rencontrée lors de l’élaboration de ce projet pour laquelle aucune solution accessible n’existe.
Plus précisément le bulletin officiel des impôts nous dit dans la section BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102 paragraphe 310 :
si l’objectif du projet est de dissiper une incertitude scientifique et/ou technique et que la démarche ci-dessus, qui requiert l’établissement de l’état de l’art, a été respectée, le projet sera considéré comme un projet de R&D. Dans ce cas, les activités nécessaires à sa réalisation seront éligibles. Dans cette perspective, un projet particulier peut être considéré comme de la R&D s’il est entrepris avec un certain objectif, mais ne le sera pas s’il est entrepris dans un autre.
Par conséquent, le périmètre éligible doit être apprécié à l’aide des incertitudes scientifiques. L’ensemble des activités nécessaires à la réalisation des opérations de R&D, relevant de l’incertitude scientifique, doit être considéré.
Pour mieux comprendre la structuration d’un projet, le MESRI propose un schéma présentant un exemple d’une opération de R&D dans le développement d’un projet d’un entreprise.
Schéma d'un projet de R&D pour l'éligibilité au Crédit Impôt Recherche
Malheureusement, il n’existe aucun cadre juridique précis permettant de définir clairement la notion "d’activités nécessaires à la réalisation de la R&D". Dans le cadre d’une vérification comptable et d’une expertise technique mené par le MESRI, le vérificateur et l’expert technique investi du dossier devront juger du périmètre d’éligibilité. Le périmètre éligible engendre de fait de nombreux débats entre l’entreprise et le service vérificateur. Face à cette problématique, le consultant doit s’assurer de l’exhaustivité des opérations de R&D prises en compte dans le périmètre en associant chaque étape d’un projet à une incertitude scientifique, tout en montrant en quoi chaque opération est nécessaire à la réalisation de la R&D.
Contrairement aux idées reçues, le dispositif du CIR permet donc d’intégrer dans le périmètre d’éligibilité, une partie conséquente d’un projet d’entreprise. Toutefois, un travail important doit être mené dans la structuration des projets pour offrir une lecture précise de chaque étape projet. Le consultant peut jouer un rôle important dans l’évaluation de la conformité des pièces justifiant le périmètre d’éligibilité.